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 Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité

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MessageSujet: Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité   Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité Icon_minitimeMer 25 Avr - 9:49

A lire, le livre de Simone de Beauvoir "Les Belles Images" qui dénonce "l'omniprésence de la mère en fonction de l'absence presque totale du père dans la famille".
"Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité et dénoncer à la fois l'éducation monoparentale et exclusivement maternelle"
Elle prône "l'éducation mixte"

Voir ce qu'en pense le site "République des Lettres" http://www.republique-des-lettres.fr/1622-simone-de-beauvoir.php
Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité Logo



Citation:

Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir, Les Belles Images : au carrefour de Delphes ou à la route de Delphes ? par Kadoglou Triantafyllia.
Simone de Beauvoir est en tant qu'écrivain la première à mettre la lumière sur le rôle coupable de Jocaste, à faire voir avec une dignité diachronique l'omnipotence et l'omniprésence de la mère en fonction de l'absence presque totale du père dans la famille, à dénoncer en réalité, beaucoup plus avant que les femmes-analystes, le meurtre de Laïos, du père primitif, à prédire même la mort totale du père contemporain, à travers les nouvelles pratiques scientifiques.
En effet, dans le Deuxième sexe d'abord et ensuite dans l'ensemble de ses romans, Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité et dénoncer à la fois l'éducation monoparentale et exclusivement maternelle. Puisque des années '30 jusqu'à présent, du point de vue sociopolitique, la question de la natalité, de la maternité et de la famille n'a pas changé en France et même demeure dans tout l'édifice européen actuel une question prépondérante et incontestable, l'oeuvre beuvoirienne continue de fasciner et de diviser. À l'époque de son apparition, Le Deuxième sexe a ébranlé et ébranle toujours l'opinion publique car il s'agit d'une approche sociale scientifique qui rejette la notion de l'instinct maternel, localisant l'infériorité de la femme et la différence entre les deux sexes dans la maternité:
L'infériorité de la femme venait originellement de ce qu'elle s'est d'abord bornée à répéter la vie, tandis que l'home inventait des raisons de vivre, à ses yeux plus essentielles que la pure facticité de l'existence; enfermer la femme dans la maternité, ce serait perpétuer cette situation. (D.S.: II, p. 200. Souligné par nous).
En démythifiant donc la maternité érigée, à travers les siècles, en religion qui "proclame que toute mère est exemplaire" (D.S.: II, p. 181), Simone de Beauvoir met également la lumière sur la question de l'absence du père par l'éducation de ses enfants et même propose une éducation paternelle et maternelle à la fois:
Et grâce à l'éducation mixte, le mystère auguste de l'Homme, n'aurait pas l'occasion de naître: il serait tué par la familiarité quotidienne et les franches compétitions. (D.S.: II, p. 497. Souligné par nous)
Loin de l'opinion publique, elle choque aussi à l'époque la communauté scientifique quand elle signale que grâce à cette éducation mixe, "le sens du"complexe de castration" et du "complexe d'Oedipe" seraient profondément modifiés" (D.S.: II, p. 496). Elle finit même par devenir prophétique quand, en décrivant le rapport de la femme avec le père de son enfant, elle prévoit la mort totale du père venant du progrès technologique. En effet, un demi-siècle avant, Simone de Beauvoir se réfère à:
[...] Ces maternelles amazones qui saluent avec enthousiasme, le miracle de l'insémination artificielle. Si le père de l'enfant partage leur vie, elles lui refusent tout droit sur leur progéniture, elles essaient [­ [...] ­] de former avec leur petit un couple fermé. (D.S.: II, p. 153. Souligné par nous).
Tous ces points de vue se déploient successivement dans les romans beauvoiriens tandis que la réalité elle-même vient les justifier comme, beaucoup plus tard, dans les années '70, '80, certaines femmes-analystes projettent en se basant sur la recherche clinique les mêmes positions. Jeannine Chasseguet-Smigrel, Hélène Cixous, Luce Irigaray, Christiane Olivier et d'autres localisent le vrai problème des successeurs freudiens, hommes ou femmes, dans le meurtre du père primitif. Elles refusent donc la mort de Laïos, se proposant de dépasser la loi oedipienne du type patriarcal et de jeter la lumière sur l'ombre tissée autour de Jocaste, de la mère éternelle. Luce Irigaray surprend ses collègues quand elle déclare que "Les caractères féminins, politiquement, économiquement, culturellement valorisés sont reliés à la maternité et au maternage". Christiane Oliver prétend par la suite que "c'est à la maternité et non à la sexualité que se rattache la principale injustice entre les sexes", donnant ainsi priorité aux méthodes d'éducation qui évincent le père et accordent exclusivement l'enfant, fille ou garçon, à la mère.
D'autre part, le progrès de la technoscience et l'intrusion médicale dans le corps humain soulèvent, de nos jours, nombre de questions éthiques dans le terrain scientifique le plus vaste, comme par exemple, dans les domaines de la psychanalyse, de l'anthropologie, de la médecine périnatale et de la biologie. En effet, Lacan avait signalé que si quelqu'un a un mot à dire sur l'insémination artificielle, c'est la psychanalyse qui peut le dire. Eugénie Lémoine-Luccioni constate aujourd'hui que par l'insémination artificielle, la femme dit non au symbole phallique, refuse la castration symbolique, enfin refuse l'autre, parce qu'un sperme ne suffit pas pour faire un père. C. Olivier met, à son tour, la lumière sur la figure paternelle qui, sous le passage du temps, a été petit à petit éliminée du cadre familial et juridique avec pour point culminant l'accession de plusieurs femmes à l'I.A.D. (Insémination Artificielle avec Donneur). Or, les analystes, malgré la différence de leurs points de vue, constatent, tout comme Simone de Beauvoir, que l'être humain ne peut échapper à l'Oracle, que le meurtre du père primitif se répète et que la mort totale du Laïos contemporain, à travers les nouvelles pratiques scientifiques, fait partie de la réalité sociale.
Toujours est-il que Simone de Beauvoir, pour qui la culture et les méthodes d'éducation jouent un rôle catalyseur sur l'évolution de l'individu, peint les relations familiales en suggérant l'omnipotence et l'omniprésence de la mère auprès de ses enfants en fonction de l'absence presque totale du père. Tous les romans beauvoiriens décrivent d'une façon ou d'autre cette réalité sociale mais Les Belles images reflètent, d'une manière extrêmement habile, le père comme le grand absent de la cellule familiale, qui, réduit à un symbole, à travers les moeurs et les systèmes éducatifs de notre civilisation, se trouve sublimé et idéalisé par ses enfants; par contre, la mère, tout à fait terrestre, à cause de sa présence permanente et exclusive au sein de l'éducation, se révèle pour eux comme un mal inéluctable.
En effet, Laurence -- pour qui, son père reste, pendant une longue période, le seul grand homme de sa vie -- revit de façon inattendue, dans "la route de Delphes" (B.I.: pp. 156-157) et de Mycènes, la tragédie de Sophocle et, par un déploiement inconscient des images dans l'espace-temps, elle se rappelle le meurtre du père primitif. Marquée par son propre manque paternel, elle finit, dans ces lieux symboliques et archétypaux à la fois, par se demander: "Est-ce de Delphes qu'il faudrait partir pour redescendre le fil du temps" (B.I.: p. 157) ou "peut-être est-ce [de] Mycènes?" (B.I.: p. 160).
Il est clair que Laurence et sa soeur Marthe ont vécu avec le divorce de leurs parents, le manque paternel et par extension "le divorce d'avec une partie d'[elles]-même[s]". Ainsi arrivent-elles, à cause de son absence, à idéaliser leur père en comparaison de l'image très mauvaise de leur mère. Pour Laurence, son père est "incapable d'une compromission, d'une manoeuvre, indifférent à l'argent: unique" (B.I.: p. 35). D'autre part, Marthe qui est profondément pratiquante et vouée au Père céleste, retrouve à l'image paternelle un Dieu terrestre qui "accède au surnaturel" (B.I.: p. 14). Par contre, leur mère Dominique qui a occupé dès leur enfance tout le terrain de leur éducation, se révèle pour elles comme le plus grand obstacle dans leur développement psychique, sentimental et social. Dans la relation avec ses filles, Dominique se situe au centre d'une relation ambivalente et désastreuse. Elle semble aussi porter toute la responsabilité pour le sentiment du vide et de l'insatisfaction qui marque le moi le plus profond de ses filles qui, à leur tour, le dotent à leurs propres filles.
Les Belles images donnent à voir clairement ce sentiment de vide qui concerne surtout les femmes et non pas les hommes, démontrant que c'est sous l'égide du père divinisé par l'absence que les drames féminins se déroulent. Laurence est l'héroïne qui représente avec une dignité diachronique toutes ces femmes qui deviennent "boulimiques ou anorexiques, à cause d'un vide intérieur impossible à combler aujourd'hui... ou impossible à quitter". En effet, elle est tellement dégoûtée de sa mère et de son entourage familial et social à la fois qu'elle arrive jusqu'à l'anorexie. Ses déceptions, ses désillusions et ses craintes ne sont pas articulées en mots mais elles s'inscrivent dans son corps. Actuellement, C. Olivier explique, en tant que psychanalyste, que cette impression de la part des femmes a son origine dans une vieille sensation "de l'époque orale où, pour refuser les rêves de la mère, elles refusaient tout ce qui venait d'elle et qui serait entré en elles. Elles ont alors senti le vide, pour toujours, sauf quand elles s'alimentent". En fait, Laurence vomit ou refuse de manger parce qu'il lui est impossible de quitter le vide "puisqu'il représente la défense contre les autres, toujours dangereux, comme l'a été la mère avec son rêve".
À cause de la solitude vécue face à la mère au cours de sa vie de petite fille et d'adolescente, elle s'avoue avoir "connu quelques aigres déchirements, une certaine irritation, une certaine désolation, du désarroi, du vide, de l'ennui: surtout de l'ennui" (B.I.: p. 36). Malgré le fait d'être éduquée par sa mère, celle-ci demeure pour Laurence une "étrangère" est se définit par elle comme "personne du tout" (B.I.: p. 17). D'autre part, son père reflète, à travers son absence, l'image d'un Dieu Olympien qui est au-dessus de tous et de tout. Parallèlement à la solitude face au Miroir Maternel et au manque paternel pendant son enfance et son adolescence, Laurence constate et même en tant que femme de carrière, conjointe et mère à la fois que son propre père lui manque encore:
Je me donne le luxe d'avoir des remords, je me reproche de le [son père] négliger, mais c'est moi qui ai besoin de lui. (B.I.: p. 36. Souligné par nous).
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MessageSujet: Re: Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité   Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité Icon_minitimeMer 25 Avr - 9:50

De même, sa soeur Marthe essaie de couvrir le vide de son existence, "mis[ant] sur la sainteté" (B.I., p. 105). Contrairement à Laurence et à leur mère Dominique qui font de brillantes carrières, Marthe choisit de se réfugier dans la foi pour rendre visible aux autres une plénitude intérieure qui, en fait, ne correspond qu'à un vide infini. Son père raconte à propos d'elle:
Elle rêve de nous convertir tous. Elle ne prêche pas: elle s'offre en exemple. L'air de dire: voyez comme la foi transfigure une femme et à quelle beauté intérieure elle atteint. Mais la pauvre, extérioriser la beauté intérieure, ce n'est pas facile. (B.I.: p. 105)
En se remémorant de son père, Laurence constate pourtant que ce sentiment de vide se recycle dans sa propre existence et dans celle de sa soeur à travers le vide qui caractérise leur mère et les femmes de leur entourage familial à la fois:
Maman, avec son bel appartement, ses toilettes, sa maison de campagne, quel enfer l'attend. Et moi? Je ne sais pas. Il me manque quelque chose que les autres ont... À moins... À moins qu'ils ne l'aient pas non plus. Peut-être quand Gisèle Dufrene soupire: "C'est merveilleux", quand Marthe étale un lumineux sourire sur sa grosse bouche ils ne sentent rien de plus que moi. Seul papa...
Dès son propre manque intérieur, elle finit par découvrir un vide qui pénètre l'espace, s'étendant aux femmes de son milieu familial et social. Excepté son père qui est à ses yeux un être parfait, cette vacuité diffuse est exprimée chez Dominique par sa tendance à "imite[r] toujours quelqu'un" (B.I.: p. 34), chez Marthe, par son orientation religieuse, chez Laurence elle-même, par son état de femme dépressive et anorexique.
En effet, bâtie d'après le schéma maternel de femme idéale, Laurence évolue, donnant à son entourage familial l'image de "petite fille impeccable, adolescente accomplie, parfait jeune fille" (B.I.: p. 22). Mais elle se transforme progressivement en femme anorexique et dépressive. En fait, son anorexie, son désir de se vider, de "se vomir tout entière" (B.I.: p. 169) représentent le combat inconscient d'abord contre sa mère, puis contre son mari et tout son milieu. Voilà ce qu'elle dit à son époux Jean-Charles:
- Je ne me calmerai pas, je ne veux pas de médecin. C'est vous qui me rendez malade, et je me guérirai toute seule parce que je ne vous céderai pas. Sur Catherine je ne céderai pas. Moi, c'est foutu, j'ai été eue, j'y suis, j'y reste. Mais elle, on ne la mutilera pas. Je ne veux pas qu'on la prive de son amie; je veux qu'elle passe ses vacances chez Brigitte. Et elle ne verra plus cette psychologue. (B.I.: p. 181).
Ainsi, dans le but d'assurer à Catherine ce qui a manqué à elle-même, se dressera-t-elle contre son mari en l'écartant définitivement de la vie de ses filles. Elle ferme donc ses yeux sur son propre manque de père et en revendiquant entièrement pour elle seule la responsabilité de leur éducation, elle se conduit involontairement à barrer leur horizon. En réalité, "Elle les avait ENFERMÉES dès le départ" comme celle-ci avait été enfermée, de façon inconsciente, par le rêve identificatoire de sa propre mère. Pensant au caractère fragile de Catherine Laurence se demande:
Jean-Charles a-t-il raison? Est-ce de moi qu'elle tient ce caractère inquiet? C'est effrayant de penser qu'on marque ses enfants rien que ce qu'on est. Pointe de feu à travers le coeur. Anxiété, remords. Les humeurs quotidiennes, les hasards d'un mot, d'un silence, toutes ces contingences qui devraient s'effacer derrière moi, ça s'inscrit dans cette enfant qui rumine et qui se souviendra, comme je me souviens des inflexions de voix de Dominique. (B.I.: p. 135).
En fait, Laurence, en découvrant le dialogue inconscient développé entre elle-même et sa propre mère, et répété maintenant entre elle-même et sa propre fille, pose "le problème d'une femme élevée uniquement par une autre", un problème qui se recycle et "marque définitivement bien des vies de femmes". Mais avec cette décision d'élever toute seule ses filles, d'obliger son mari à rester en dehors de la procédure éducative, Laurence, au lieu de les protéger, finit par les priver de ce qui lui a manqué à elle aussi: "La satisfaction de soi due à l'Oedipe". Car elle ignore que "la satisfaction de soi (ou narcissisme) nous vient de l'Oedipe avec le parent de sexe opposé". Décidée pourtant à préparer à ses filles un avenir autre que le sien et en se considérant, elle seule, nécessaire et indispensable à celles-ci, Laurence éloignera leur propre père et quand elle rencontrera de la résistance de son côté et se sentira impuissante à le dominer comme à dominer le milieu familial le plus vaste, elle fera une crise d'anorexie.
Sa mère d'abord, son mari par la suite et tous ceux qui appartiennent à sa famille proche ont, à ses yeux, l'air d'être dangereux: "C'est vous qui me rendez malade, et je me guérirai toute seule parce que je ne vous céderai pas. Sur Catherine je ne céderai pas" (B.I.: p. 181), réplique Laurence à son mari. C'est ainsi que "l'insatisfaction de la mère quand elle était petite se rejoue sur sa fille", tandis que le père, à cause de son éloignement "n'est l'objet d'aucun ressentiment mais n'occupe que la place de l'"absent", n'ayant droit qu'à de l'indifférence ou de l'idéalisation".
En effet, Catherine se situe face à son père au niveau de l'indifférence tandis que sa mère idéalise le sien, l'entourant d'une auréole. Or, elles fonctionnent toutes les deux, chacune à sa façon, à partir de Jocaste et en l'absence de Laïos. Étant en admiration devant son père, Laurence rêve, pendant leur voyage en Grèce, de "connaître le goût de sa vie" (B.I.: p. 152), de "poser des questions, d'obtenir les réponses en suspens depuis tant d'années" (B.I.: p. 152). La perspective même de voyager seule avec lui fait éclater en elle-même la "joie comme un feu d'artifice" (B.I.: p. 152):
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MessageSujet: Re: Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité   Simone de Beauvoir vient détruire le mythe de la maternité Icon_minitimeMer 25 Avr - 9:52

Je percevrai le secret qui le rend si différent de tous et de moi-même, capable de susciter cet amour que je n'éprouve que pour lui (B.I.: p. 152).
Au carrefour de Delphes et à Mycènes, Laurence sent inconsciemment le besoin profond de "revenir en arrière, déjouer les embûches, réussir ce qu'[elle a] manqué". (B.I.: p. 153). En retraçant donc "ce voyage image par image, mot par mot" (B.I.: p. 153), elle réalise que c'est son père "qu'[elle] veu[t] découvrir" (B.I.: p. 154). Mais elle finit par démythifier l'image paternelle car l'entente parfaite qu'elle croyait avoir avec lui, se brise et émerge, au dépourvu, entre eux, "une distance infranchissable" (B.I.: p. 167); celle qui, en fait, les séparait depuis toujours, à cause de son absence. Laurence prend conscience de cette réalité, en se demandant où exactement la ligne s'est brisée, à Delphes ou à Mycènes?
Ayant remis à zéro le temps et l'espace, ayant aussi les sensations en pleine excitation et le coeur ouvert aux réflexions et aux sentiments, Laurence finit par obtenir toutes ces réponses en suspens: "Non, ce n'est pas à Delphes que la ligne s'est brisée! Mycènes. Peut-être est-ce à Mycènes". (B.I.: p. 160). Mais pourquoi est-ce à Mycènes et non à Delphes qu'elle éprouve ce sentiment de "vertige, prise dans un tourbillon, ballottée, niée, réduite à rien?" (B.I.: p. 160). C'est parce que tous ces vestiges mycéniens évoquent le premier lien à la mère qui éclaire la période préoedipienne chez les petites filles que Freud s'est empressé de comparer à celle de la civilisation mycénienne dissimulée derrière la civilisation grecque.
En effet, la découverte du préoedipien et par conséquent l'émergence de Jocaste, "c'est la découverte de l'altérité radicale de la femme qui risque d'entraîner un bouleversement total dans la psychanalyse". Car ce premier lien à la mère et la constatation de son rôle actif sur l'évolution de l'enfant, mettent en doute le noyau des névroses qu'est le complexe d'Oedipe. Sous le choc de cette révélation inopinée, Freud finit par établir une rupture entre la phase préoedipienne et la phase oedipienne, comme les historiens de son époque qui, persistant à la discontinuité, avaient établi une coupure entre la civilisation mycénienne et la civilisation hellénique. Or, Freud abandonne l'idée d'une symétrie entre le développement féminin et masculin, et finit par désigner l'Oedipe comme le noyau fondamental de toute évolution.
Pourtant, le déchiffrement de l'écriture linéaire B prouve actuellement que la civilisation mycénienne est grecque, faisant partie de l'hellénisme, ce qui annule mutatis mutandis les points de vue de Freud et des historiens de son époque. Des femmes-analystes comme Mélanie Klein et C. Olivier donnent successivement priorité au stade préoedipien et au premier lien à la mère, insistant sur la continuité. D'autre part, l'expérience clinique prouve actuellement que c'est "ce transmaternel qui apparaît comme radicalement différent d'un sexe à l'autre". Voilà pourquoi Laurence, tandis qu'elle cherche à connaître son père, finit par déterrer sous les vestiges mycéniens Jocaste et y retrouver inconsciemment sa mère qui lui signale une fois de plus sa toute-puissance face à l'inexistence du père. Or, elle entrevoit à Mycènes "l'image d'une mère toute-puissante (ou d'une marâtre) [qui] est bien inscrite au fond du coeur des femmes" en comparaison avec "l'image du père [qui], inscrite au cours de cette guerre oedipienne, n'est jamais que celle d'un objet à conquérir, à conserver...". Elle y réalise: "C'est mon père que j'aimais et ma mère qui m'a faite" (B.I.: p. 33. Souligné par nous).
En effet, quand elle retourne mentalement à Delphes, elle pense: "La route de Delphes. J'aimais le paysage sec et blanc, le souffle aigu du vent sur la mer estivale" (B.I.: pp. 156-157). Par contre, Mycènes correspond au vertige et au tourbillon, renvoie au paysage rouge qui lui provoque émotion et confusion à la fois:
Je suis tout simplement jalouse. Oedipe mal liquidé, ma mère demeurant ma rivale. Électre, Agamemnon. Est-ce pour cela que Mycènes m'a tant émue? Non. Non. Billevesées. Mycènes était belle, c'est sa beauté qui m'a touchée. (B.I.: p. 179).
De toute façon, entre Mycènes et Delphes, entre le rouge et le blanc qui reflètent son for intérieur, enfin entre sa mère qui lui inspire la haine et son père qui est un but à conquérir, Laurence ne fait que ruminer la même chose: "Je suis jalouse" (B.I.: p. 179). C. Olivier localise, en tant que psychanalyste, ces deux couleurs différentes qui ont pourtant, du point de vue psychologique, un dénominateur commun: la mort du père. Car dans Oedipe Roi mai aussi dans Électre, "Oedipe comme Oreste veulent rétablir la justice bafouée du côté du père":
Thèbes-la-Blanche et Mycènes-la-Rouge, l'une témoin des amours incestueuses du fils et de la mère, l'autre repaire d'une mère homicide et de son amant... Et dans les deux royaumes, des enfants, des enfants qui souffrent du destin que leur imposent leurs parents...
En effet, Dominique ne renvoie-t-elle pas, comme Clytemnestre, à "une mère qui renie son mari au bénéfice de son amant". Et Laurence n'est-elle pas une fille, comme l'a été Électre, qui éprouve de la haine et de la répulsion pour sa mère et son amant qui a osé se mettre à la place de son père? Elle avoue d'ailleurs qu'"elle a horreur de Gilbert mais aussi de sa mère" (B.I.: p. 125).
Les Belles Images est le roman qui scrute de façon claire et très habile le vide et l'insatisfaction de femme émanant de la relation ambivalente et le plus souvent désastreuse entre la mère et sa fille. En laissant derrière le blanc de Delphes et en redescendant le fil du temps, là, au paysage rouge de Mycènes où le temps et l'espace -- loin de toute conception quotidienne -- semblent interagir avec des manières bizarres et exotiques, donc être irréductiblement liés entre eux, Simone de Beauvoir donne à voir, à travers ce lieu archétypal, la structure commune d'un espace-temps continu. Car elle reproduit, à travers Laurence et son milieu familial et social, cet orage qui éclate, tôt ou tard entre Jocaste et sa fille en l'absence de Laïos, le père tué. Elle déterre également, sous les vestiges mycéniens, la haine qui se déclenche entre Clytemnestre et sa fille par rapport à Agamemnon, le père assassiné, faisant entendre par la bouche de ses héroïnes un nouveau langage préoedipien, original et émotionnel.
En fait, à cause du manque paternel, Laurence a besoin d'être aimée, désirée, précieuse sous le regard de l'homme dans lequel elle cherche inlassablement son père. C'est ce qui l'incite à le rechercher inconsciemment, au début, dans la symbiose matrimoniale, après, hors du lit conjugal:
Au fond, d'une autre manière que Jean-Charles, Lucien vit à l'extérieur de lui-même. Je ne connais que papa qui soit différent. Ses fidélités sont en lui, non dans les choses (B.I.: p. 110).
Mais déçue par la démythification de l'image paternelle au cours du voyage en Grèce et par la décision presque silencieuse de son père de retourner à Domnique, découragée également par le silence de son mari qui "la maintient inconsciemment dans une pénurie affective alors en souvenir de sa mère à lui...", Laurence se tourne inéluctablement vers ses filles. Ainsi renonce-t-elle inconsciemment "à trouver chez l'homme un amour suffisant et retourne à la violence des amours infantiles qu'elle va vivre, côté mère cette fois-ci":
Est-ce que j'aime Jean-Charles -- ai-je aimé Lucien -- d'amour? Elle a l'impression que les gens lui sont juxtaposés, ils n'habitent pas en elle; sauf ses filles, mais ça doit être organique. (B.I.: p. 67).
En effet, Laurence, "n'ayant jamais pu réparer le "vide" créé par le silence du père ou du mari", par le rêve identificatoire de sa propre mère, se tourne vers ses filles en écartant leur père lui-même. Sa rage d'élever toute seule ses filles, de prendre exclusivement toute la responsabilité concernant leur avenir, amène Laurence jusqu'à menacer son époux d'une nouvelle crise dépressive: "Et ça n'a pas été drôle, il y a cinq ans, il n'a pas envie que je craque de nouveau. Si je tiens bon, je gagne" (B.I.: p. 182) se déclare-t-elle!
Par le duel oratoire mené entre Jean-Charles et Laurence, Simone de Beauvoir montre, de façon très vivante, que la guerre des sexes est, en fait, inhérente à l'enfant et à la maternité:
- Si tu veux la guerre, ce sera la guerre. Il hausse les épaules:
- Entre nous, la guerre? À qui crois-tu parler?
- Je ne sais pas. Ça dépend de toi.
- Je ne t'ai jamais contrariée, dit Jean-Charles.
Il réfléchit:
- C'est vrai que tu t'occupes beaucoup plus que moi de Catherine. En dernier ressort, c'est à toi de décider. Je n'ai jamais prétendu le contraire. Il ajoute, avec mauvaise humeur: -- Tout aurait été bien plus simple si tu t'étais expliquée tout de suite. (B.I.: p. 182).
Le discours psychanalytique est progressivement imprégné des points de vue similaires. C. Olivier se demande et se prononce à la fois:
L'enfant servirait-il de bastion à la femme dans cette infinie guerre des sexes? Il semble, en effet, bien souvent que l'acharnement de la femme à revendiquer l'enfant soit aussi grand que le refus de l'homme à l'assumer.
Des sociologues, comme François Dubet, des pédiatres, comme Aldo Naouri, et nombre d'autres psychologues et de psychanalystes dénoncent à nouveau l'absence paternelle et la surpuissance maternelle au sein de la famille actuelle. Très récemment, dans son dernier livre, Les pères et les Mères qui suscite bien des polémiques en France, Aldo Naouri esquisse la guerre des sexes à travers cette complicité secrète, existant entre la mère qui prend, exclusivement, l'enfant à sa charge et le père qui le lui autorise:
"[...]. Le père est celui qui, existant dans le regard de la mère, permet à l'enfant de ne pas être sidéré par la toute-puissance maternelle. Il crée les conditions de son éloignement".
Or, la sociologie, la psychologie, la psychanalyse, bref, la science et la réalité sociale elle-même justifient Simone de Beauvoir dont l'oeuvre traverse le temps avec une dignité diachronique. En effet, Laurence est l'héroïne beuavoirienne qui reflète, de manière toute naturelle, la femme actuelle dont l'identité est toujours définie par la maternité, le soin et l'éducation de l'enfant. Balancée entre l'image de la femme de carrière et celle de la mère de famille, entre le conditionnement intérieur et les circonstances extérieures, elle se développe dans un contexte familial et social qui l'empêche de lutter pour son accomplissement et lui interdit le droit de créer et de sublimer.
En fait, prise au piège du mariage et de la maternité, elle constate qu'elle n'a plus d'avenir, car son existence passe par la vie des autres, celle de ses filles; or, tout le cours de sa vie montre que les petites filles, en prenant comme but, depuis leur enfance, la maternité et l'éducation de l'enfant, devenues femmes sont privées du droit de la régression et s'éloignent du but de la sublimation. Simone de Beauvoir est la première à montrer que disponibilité de temps et créativité ou bien régression et sublimation sont, chez la femme, inhérentes au maternage et à la maternité parce que pour la majorité des femmes, "le choix entre la maternité et une carrière créatrice entraîne un conflit aigu" contrairement à l'homme qui "n'a pas à affronter ce choix; il peut parfaitement être père, avoir un foyer, une femme, des enfants, une vie affective réussie et pleine, tout en étant créateur".
En effet, sur le plan psychologique et social, le féminin passe toujours par le maternel et le choix entre la maternité, l'éducation de l'enfant et une carrière professionnelle, constitue encore pour la femme un cruel dilemme. Un enquête, menée récemment à propos de ce sujet, a montré qu'il y a, actuellement, une tendance de retour en arrière comme plusieurs femmes de carrière décident d'abandonner leur travail et leurs activités professionnelles pou retourner au foyer et s'occuper exclusivement de l'éducation de leurs enfants: des femmes de carrière, le 10% en Grèce, le 25% en Europe et plus de 35% en Amérique, abandonnent une carrière créatrice afin d'élever uniquement, elles seules, leurs enfants.
À époque où des changements très rapides se succèdent les uns les autres à cause du progrès continuel de la technoscience et de la haute technologie, la femme, ne pouvant échapper à la religion de la maternité, décide tout bêtement de retourner à l'ordre patriarcal séculaire et d'envisager l'avenir à reculons. L'oeuvre beauvoirienne en impose au temps et aux lecteurs avec une dignité diachronique, car elle fait entendre par la bouche des héros et des héroïnes un langage ésotérique et préoedipien, original et émotionnel. Car elle se heurte aux archaïsmes socio-culturels, portant les caractéristiques de la révolte qui s'inscrit dans les dialogues et les gestes des personnages, dévoilant à la fois "ce que la société refoule ou tue pour se constituer".
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